Monday, June 12, 2017

Le puceau du quai Branly





        C’est une après-midi de printemps. La douceur solaire réveille la vie après le long sommeil hivernal. La sève séminale recoule au sein des feuillages, les hormones roucoulent aux oreilles des jeunes gens en fleur. Un damoiseau désœuvré sifflote une mélopée mélancolique en battant le bitume du quai Branly. La bouille est boulote, les bras ballants, le déhanchement brinqueballant. Revêtu d’un outrecuidant accoutrement d’outre-périphérique coûteux mais à couper au couteau, notre bon ami n’a, hélas, rien d’un bel amant. Son allure, plus racailleuse que racoleuse, ne leurre guère les guerrières mais leur met fortement la puce à l’oreille sur sa condition de puceau. Pustuleux, pestant la rustrerie, ce puceau est un pestiféré par ici. Canaille des quartiers soit, mais pas sot pour un sou. Le coquin compte bien s’acoquiner et s’acquitter de son déflorement. D’un regard pornographique, il convie les convois de belettes bourgeoises qui déambulent sur le quai Branly à s’encanailler.
       Brans-le-bas de combat ! Voilà une bellotte au corps de courtisane. Sa chair dévoilée a l’air coulée dans les meilleurs moules. Sa chère tenue moule ses formes si fermement qu’elle paraît peinte sur sa peau. La concupiscence fait passer l’envie du con avant toute raison. L’envie de se bafrer de ses courbes gourmandes le harponne aussitôt. Las de se languir, il tourne trois fois la langue dans sa bouche avant d’emboiter le pas de la midinette. Sa démarche cavalière a vite fait de le mener à hauteur de la donzelle.
̶ Mademoiselle, lance-t-il d’une voix Don Juan empruntée. La fille de bonne famille fait fi de la sollicitation, prétendant ne pas entendre son prétendant. Prêt à n’épargner aucun effort, le puceau ne prête importance au premier écueil et repart de plus belle à l’assaut du corps de la belle.
̶ Franchement, vous êtes bien belle, mademoiselle. Miaule-t-il à la minette.
Le minois grimé d’une grimace, la gazelle se retourne en s’apprêtant à se saisir de sa gazeuse et de paroles lacrymogènes.
̶ Je ne parle pas aux racailles ! Va te faire voir, branleur ! Assène la scénique parisienne, entamant une scène.
 Les mots giflent le puceau comme des vagues à lames, entrainant l’effusion d’émotions amères. La messe est dite, la cause est entendue : l’amour ne se fera pas encore aujourd’hui. Sans s’attendrir sur le sort de l’éconduit, la demoiselle reprend la direction de là où ses pas la conduisent. Effarée, raillée, mais dotée de résilience, la racaille perd son amertume aussi vite qu’elle regagne son sang-froid. Qu’importe le malheur aujourd’hui, un autre jour le bonheur verra le jour. Puisque le branleur n’a droit de cité sur le quai Branly, peut-être la racaille trouvera-t-elle refuge à la Butte aux Cailles.